dimanche 22 juin 2008

Daumier, l'écriture du lithographe

1. Le coin des politiques, détail, lithographie, planche n°1 de la série A la brasserie, publiée dans Le Charivari le 5 janvier 1864.


Bonne nouvelle pour tous ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de visiter l’expo Daumier de la BNF qui devait se terminer le 8 juin : prolongation jusqu’au 29 juin ! Et pour ceux qui ne peuvent pas se rendre sur place, pas la peine de pester, le site dédié à l’expo est à l’image de celle-ci : absolument génial ! On y trouve la totalité des images et des textes explicatifs, mais pas seulement. Une bonne partie des lithos a été numérisée en haute définition et le zoom permet de se retrouver réellement au coeur de l’oeuvre dans toute sa matérialité : le geste du lithographe prend vie sous vos yeux. Et en prime, un ensemble conséquent de textes issus du catalogue proposent un approfondissement passionnant sur Daumier et son époque.


C’est une véritable plongée dans la vie du XIXème siècle que propose l’exposition, au travers de l’oeil aiguisé du célèbre caricaturiste, comme le souligne la mise en scène malicieuse de l’autoportrait sculpté de l’artiste, reflété par un miroir déformant. Le ton est donné.


Si Daumier est également l’auteur de sculptures et de peintures dont une partie sont aujourd’hui visibles au musée d’Orsay, sa renommée, il l’a principalement établie en tant que dessinateur lithographe. Il produit ses premières planches à caractère politique dans les années 1830 dans les journaux satiriques La Silhouette, La Caricature et Le Charivari. En 1834, sa dénonciation sans compromis de la répression sanglante de l’émeute de la rue Transnonain prend la forme d’une description réaliste sans verser dans le pathétique, ce qui la rend d’autant plus frappante. On est simplement face à l’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus faillible.


2. Rue Transnonain le 15 avril 1834, lithographie publiée dans l'Association mensuelle de juillet 1834.


Cette faille, Daumier la traque. Observateur de son temps et de ses contemporains, son crayon se nourrit de ces petits riens du quotidien, de la pluie ou du beau temps, tout autant que des grands événements qui agitent le siècle. Restauration, Monarchie de Juillet, IIème République, Second Empire, IIIème République... la succession de régimes dont Daumier est le témoin constitue certes une source d’inspiration de premier choix pour l’artiste, mais elle est aussi un frein à son expression. L’exposition rend particulièrement bien compte de ces différentes périodes et des contraintes qui pèsent sur le choix des thèmes abordés par le lithographe. Les lois de contrôle de la presse ou de plus grande liberté se succèdent, et Daumier en fait les frais. Suite à son emprisonnement à Sainte-Pélagie, l’artiste renonce temporairement à traiter des sujets politiques et se consacre aux scènes de moeurs dans lesquelles il épingle les travers de ses contemporains avec un mélange d’ironie et de tendresse.



3. 1830 et 1833, lithographie publiée dans La Caricature du 15 août 1833.


4. Le printemps à Paris "A la bonne heure, il ne fait plus froid !", lithographie, planche n°4 de la série Croquis parisiens, publiée dans Le Charivari du 5 avril 1853.


La drôlerie de certaines scènes dépasse les frontières temporelles et les visiteurs de l’expo ont tous le sourire aux lèvres. Personnellement j’ai pas mal ricané devant la série sur l’histoire ancienne, je me suis retrouvée transportée au lycée, en cours de mythologie grecque pendant lequel on caricaturait la prof en toge et spartiates (Melle B. si vous me lisez, χαιρε ! Peace !).





5. Le baptême d'Achille, lithographie, planche n°22 de la série Histoire ancienne, publiée dans Le Charivari du 28 août 1842.



6. Les nuits de Pénélope, planche n°6 de la série Histoire ancienne, publiée dans Le Charivari du 24 avril 1842.


Mais le ton n'est pas toujours aussi léger et la caricature politique reprend vie sous le crayon de l'artiste dans les années 1860-1870. L'acuité du regard que porte Daumier sur l'actualité est souvent frappante et trouve de troublants échos dans les tensions du monde d'aujourd'hui. De manière fort à propos, la programmation de la BNF comportait d'ailleurs ce printemps, en parallèle de l'exposition, un accrochage de caricatures politiques sur le thème "les héritiers de Daumier", que vous pouvez retrouver dans son intégralité sur le site.





7. L'Equilibre européen, lithographie, planche n°231 de la série Actualités, publiée dans Le Charivari du 1er décembre 1866.


Pour compléter le parcours, l'exposition se termine par une section très complète sur les étapes de création de la lithographie, du dessin préparatoire au résultat imprimé et légendé, prêt à être publié. On se retrouve même face à quelques épreuves annotées par le comité de Censure. Et l'on se prend à songer à ce qu'aurait été l'oeuvre de Daumier s'il n'avait pas existé.




Daumier, l'écriture du lithographe
Bibliothèque Nationale de France
58 rue de Richelieu, IIème arr.
jusqu'au 29 juin
tarif plein : 7 euros
tarif réduit : 5 euros

toutes images © ADAGP

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